Ghetto de Varsovie : chronique d’un soulèvement

La mise en place du ghetto  (20 octobre – 16 novembre 1940)

Le début des déportations  à Treblinka (22 juillet 1942)

Apparition d’une résistance juive unifiée (janvier 1943)

Regroupement entre :

l’Organisation juive de combat (Żydowska Organizacja Bojowa, ŻOB) d’inspiration sioniste et bundiste, dirigée par Mordechaj Anielewicz, 23 ans, et Marek Edelman, 24 ans

et 

l’Union militaire juive (Żydowski Związek Wojskowy, ŻZW), organisation sioniste révisionniste du Betar dirigée par Pawel Frenkel et Dawid Moryc Apfelbaum

Les résistants tentent d’enrayer une nouvelle vague de déportations à parir du 18 janvier 1943.

Suspension des déportations.

Vers la liquidation totale (à partir de janvier 1943) 

Pour des raisons de sécurité, j’ordonne que le ghetto de Varsovie soit détruit (…), après que tous les éléments de maisons ou les matériaux ayant de la valeur ont été récupérés.

Heinrich Himmler, 16 février 1943

Les résistants s’efforcent de retarder la reprise des déportations massives.

Désignation de Jürgen Stroop à la tête de le police allemande et des SS chargés d’anéantir le ghetto.

Le soulèvement (19 avril – 16 mai 1943)

Visages, combats et destins 

19 avril 1943, à 3h du matin

850 SS commandés par 16 officiers encerclent le ghetto de Varsovie pour procéder à sa liquidation, après une première tentative en janvier. Ils pénètrent à 6h et sont accueillis par un feu nourri qui marque le début du soulèvement et les oblige à battre en retraite à l’extérieur.

Tema Sznajdermann, 26 ans, infirmière, militante du Dror, courrier de la résistance, tuée en mission le 18 janvier 1943 lors du premier soulèvement du ghetto

20 avril 1943, 2e jour de la révolte

Les SS tentent de prendre la place Muranowski, où flottent sur le toit d’un immeuble deux drapeaux, un bleu et blanc frappé de l’étoile de David, l’autre polonais. Les membres du ZZW (Union militaire juive) repoussent l’assaut.

Le même jour Niuta Tajtelbaum, 26 ans, étudiante en histoire, communiste, participe avec son unité à la destruction d’une position allemande à la lisière du ghetto.

Elle sera abattue en juillet 1943.

21 avril 1943, 3e jour des combats dans le ghetto.

Jurek Blones, 19 ans, mécanicien, membre des organisations jeunesses du Bund, commandant d’une des unités de combat du Bund. Capturé et exécuté par les Allemands à l’été 1943.

22 avril 1943, 4e jour des combats dans le ghetto

Mordechaï Anielewicz, 24 ans, dirigeant de l’Hashomer Hatzaïr. Commandant de l’organisation juive de combat (ZOB) et de l’insurrection, mort au combat le 8 mai 1943.

« Il est impossible de mettre en mots ce que nous avons vécu. Une chose est claire, ce qui s’est passé a dépassé nos rêves les plus audacieux. Les Allemands ont fui deux fois le ghetto. Une de nos compagnies a tenu sa position pendant quarante minutes, et une autre plus de 6 heures.

La mine placée dans le secteur des brossiers a explosé. Plusieurs de nos compagnies ont attaqué les Allemands qui se dispersaient. Nos pertes en hommes sont minimales. C’est également une réussite. Yechiel est tombé. Il est tombé en héros, à la mitrailleuse. Je sens que de grandes choses se passent et que ce que nous avons osé faire est d’une grande, énorme importance…

À partir d’aujourd’hui, nous allons passer à la tactique partisane. Trois compagnies de combat partiront ce soir, avec deux tâches : la reconnaissance et l’obtention d’armes. Souvenez-vous, les armes de courte portée ne nous sont d’aucune utilité. Nous ne les utilisons que rarement. Ce dont nous avons besoin d’urgence : des grenades, des fusils, des mitrailleuses et des explosifs.

Il est impossible de décrire les conditions dans lesquelles les Juifs du ghetto vivent maintenant. Seuls quelques-uns pourront résister. Les autres mourront tôt ou tard. Leur sort est décidé. Dans presque toutes les caches dans lesquelles des milliers de personnes se cachent il n’est pas possible d’allumer une bougie à cause du manque d’air.

Grâce à notre émetteur nous avons entendu le merveilleux rapport sur nos combats par la station de radio « Shavit ». Le fait que l’on se souvienne de nous au-delà des murs du ghetto nous encourage dans notre lutte. Que la paix soit avec toi, mon ami ! Peut-être nous reverrons-nous encore ! Le rêve de ma vie s’est réalisé. L’autodéfense dans le ghetto aura été une réalité. La résistance juive armée et la revanche sont des faits. J’ai été témoin du magnifique combat héroïque des hommes juifs à la bataille. »

Lettre de Mordechaï Anielewicz à Icchak Cukierman

Icchak « Antek » Cukierman (Yitzhak Zuckerman), 28 ans, secrétaire général du Dror/HeHalutz, 28 ans, commandant adjoint de la ZOB, en charge du côté « aryen » et de la liaison avec les organisations de résistance polonaises, puis de l’évacuation des combattants. Commandant de l’unité de combat de la ZOB durant le soulèvement de Varsovie en 1944. Mort en 1981

23 avril 1943 – 5e jour de combat dans le ghetto

Le général SS Stroop annonce qu’il s’agit du dernier jour d’opérations avant l’écrasement de la révolte et généralise l’emploi des lance-flammes pour incendier systématiquement les bâtiments du ghetto.

Le quartier général du ZZW place Muranowski est pris, tandis que le ZOB replie son bunker de commandement au 18 de la rue Mila. Les unités de combat décrochent de la place Muranowski et sont dépêchées vers le centre du ghetto.

Hersz Berlinski, 36 ans, ouvrier textile, militant de Poale Zion-gauche et responsable du groupe de protection à Lodz avant la guerre, commandant de l’unité de combat de Poale Zion-gauche, chargé de la défense du secteur des brossiers puis du ghetto central. Mort au combat le 27 septembre 1944 lors de l’insurrection de Varsovie

24 avril 1943 – 6e jour de combat dans le ghetto

Stroop déclenche une offensive générale, annonçant l’achèvement des opérations au plus tard le 26 avril.

La majorité des juifs encore présents dans le ghetto, sans doute au moins 40 000 personnes, est réfugiée dans des dizaines de bunkers aménagés dans les caves des immeubles.

Dans le secteur des ateliers Toebbens-Schutz les combattants du ZZW et de la ZOB tiennent leurs positions face à l’offensive SS.

Miriam Heinsdorf, 30 ans, militante de l’Hachomer Hatzaïr, membre du comité central de la ZOB, morte au combat dans le secteur des ateliers Toebbens-Schutz

25 avril 1943 – 7e jour de combat dans le ghetto

Les SS sont régulièrement accrochés au cours de leur progression qui vise à détruire immeuble après immeuble pour mettre fin à la résistance rencontrée.
Officiellement, les Allemands font état de 50 blessés et 5 morts dans leurs rangs depuis le début des opérations.
Dans son télégramme quotidien Stroop annonce « Je vais essayer d’obtenir un train pour TII [Treblinka] pour demain, sinon la liquidation aura lieu demain [sur place]. »

Gela Seksztajn, 37 ans, peintre, membre du groupe de résistance Oneg Shabbes, tuée en avril 1943 dans le ghetto

Télégramme Stroop-Treblinka :

26 avril 1943 – 8e jour de combat dans le ghetto

Alors que l’écrasement du ghetto était annoncé pour ce jour, Stroop doit faire état d’une résistance systématique lors de l’avancée de ses troupes, régulièrement accrochées, estimant faire face désormais aux éléments les plus durs et les plus résistants.
Pourtant les lignes de la ZOB et du ZZW ont été enfoncées depuis 2 jours et les liaisons entre les unités de combattants sont de plus en plus sporadiques. Aux unités qui subsistent encore s’ajoutent des groupes de combattants rassemblant des trafiquants et contrebandiers du ghetto qui participent à la résistance.

Leib Gruzalc, 23 ans, militant du Bund, commandant d’une des unités en charge de la défense du ghetto central, tué au combat le 26 avril 1943.

27 avril 1943 – 9e jour de combat dans le ghetto

Un millier d’Allemands, SS et police, renforcés d’auxiliaires lettons ratissent la partie nord-est du ghetto. Ils sont régulièrement accrochés au cours de leur progression.

Malka Alerman, 28 ans, militante de Poalei Zion-gauche, agent de liaison, membre d’une unité de combat lors du soulèvement, tuée au combat à une date inconnue

28 avril 1943 – 10e jour de combat dans le ghetto

Les lignes de défense sont totalement brisées, laissant la place à une myriade de positions isolées âprement défendues contre l’avancée des SS.

Une unité de l’Armia Krajowa (résistance polonaise affiliée au gouvernement polonais en exil) menée par Tadeusz Kern-Jędrychowski attaque un poste allemand devant le ghetto, tuant deux soldats – il s’agit de l’une des 11 opérations menées par l’AK en direction du ghetto pendant le soulèvement.

Ce même jour, des égoutiers de la Gwardia Ludowa (résistance communiste) exfiltrent un groupe de combattants juifs du ghetto.

Israel Kanal, 23 ans, militant d’Akiba, en charge de la défense du ghetto central, puis combat avec les partisans dans la forêt de Wyszkow. Capturé en octobre 1943, mort à Auschwitz.

29 avril 1943 – 11e jour de combat dans le ghetto

Zygmunt Frydrich, 31 ans, militant du Bund. Dépêché à l’été 1942 par la résistance juive pour savoir ce qu’il se passe à Treblinka, il ramène le premier rapport sur le centre de mise à mort. Tué au combat en mai 1943

Malgré leur puissance de feu, les Allemands ne progressent que lentement.

Si l’essentiel des forces du ZZW a péri, le plus gros des effectifs de la ZOB demeure largement intact et son commandement dépêche du côté aryen Simcha Rotem et Zygmunt Frydrich pour établir le contact avec Antek et obtenir de l’aide pour poursuivre le combat.

Simcha « Kazik » Rathajzer (Rotem), 19 ans, militant d’Akiba, combat dans le secteur des brossiers puis organise l’évacuation des combattants hors du ghetto. Combat lors du soulèvement de Varsovie à l’été 1944. Mort en 2018

30 avril 1943 – 12e jour de combat dans le ghetto

Malgré plus de 1300 hommes déployés et de l’équipement lourd, les Allemands progressent avec difficultés. Depuis le début de l’attaque, leurs opérations ne prennent place que le jour, de crainte d’être en difficulté la nuit.

40 combattants de la ZOB réussissent à quitter le ghetto et rejoindre la partie « aryenne » de Varsovie

Guta Kawenoki, 24 ans, militante de Gordonia, technicienne dentaire, trésorière de la ZOB et chargée de l’espionnage, combat dans le ghetto central puis avec les partisans dans la forêt de Wyszkow. Tuée au combat en janvier 1944

1er mai 1943 – 13e jour de combat dans le ghetto

A nouveau, Stroop annonce l’imminence de l’écrasement du ghetto, alors que ses troupes sont encore accrochées par les combattants. Dans la Varsovie « aryenne » la police allemande traque ceux qui ont réussi à fuir le ghetto. 150 sont exécutés. Les Allemands osent pour la première fois, de manière limitée, opérer de nuit dans le ghetto.

Benjamin « tatele » [papa] Wald, 23 ans, militant du Dror, en charge du contre-espionnage de la ZOB, commande une unité dans le secteur Többens-Schutz. Tué au combat en mai 1943

2 mai 1943 – 14e jour de combat dans le ghetto

Les Allemands poursuivent le ratissage et subissent des accrochages à de multiples reprises au nord et au sud du ghetto. Les combats émaillent la journée et la nuit. Dans le secteur Többens-Schutz, écrasé deux jours plus tôt, les derniers combattants encore en vie quittent le périmètre et gagnent le secteur « aryen ». Stroop est contraint dans son rapport de faire état d’une unité de combattants qui a pris d’assaut le cordon de sécurité, blessant 7 de ses hommes – 4 Orpo et 3 membres de la « police bleue » polonaise -, forcer le passage et s’échapper du ghetto.

Hanoch Gutman, 25 ans, militant du Dror, éducateur, commande une unité chargée de la défense du secteur des brossiers, blessé le 2 mai, tué au combat courant mai

3 mai 1943 – 15e jour de combat dans le ghetto

Les Allemands poursuivent leur progression dans le territoire du ghetto. Les combats se multiplient autour de plusieurs bunkers, en particulier dans la rue Franciszkańska où se déroule la bataille du bunker du 30 de la rue Franciszkańska, où se sont repliés les combattants du secteur des brossiers .Les unités de Jurek Blones, Hersz Berlinski, Jurek Grynszpan, Hanoch Gutman et Marek Edelman tiennent tête au SS durant plus deux jours avant de céder. Les rescapés se replient pour partie vers le bunker du 22 de la rue Franciszkańska, les autres vers le bunker du commandement de la ZOB au 18 de la rue Mila.

Dvora Bara, 23 ans, militante du Dror, membre de l’unité de combat commandée par Hanoch Gutman, participe aux combats du secteurs des brossiers, puis de la bataille de Franciszkańska 30. Tuée au combat le 2e jour de la bataille

4 mai 1943 – 16e jour de combat dans le ghetto

Berl Brojde, 24 ans, éducateur, militant du Dror, déporté à Treblinka en janvier 1943, saute du train, commande une unité de combat dans le ghetto central en charge de la défense des rues Zamenhof et Mila, tué au combat le 8 mai à Mila 18

Les combattants défendent pied à pied leurs positions face à l’avancé des Allemands, qui procèdent à la destruction systématique des bâtiments du secteur Többens-Schultz. Les unités allemandes chargées de patrouiller la nuit dans les ruines du ghetto sont régulièrement accrochées.

Mira Fuchrer, 22 ans, couturière, militante de l’Hachomer Hatzaïr, combat dans le ghetto central, tuée au combat à Mila 18

5 mai 1943 – 17e jour de combat dans le ghetto

Esther Altenberg, 27 ans, militante du Dror, participe à la défense du secteur Többens-Schultz, tuée au combat en avril ou mai 1943

Les Allemands continuent leur progression, tout en étant régulièrement accrochés par des groupes de combattants isolés.
A cette date, 45 000 des quelques 70 000 juifs qui se trouvaient dans le ghetto au 17 avril ont été capturés, dont environ 4 500 exécutés sur place et 6 929 envoyés à Treblinka – les autres sont dirigés vers Majdanek et des camps rattachés.

Lejb Rodal, 29 ans, journaliste, militant du Betar, commandant adjoint du ZZW, tué au combat en avril ou mai 1943

6 mai 1943 – 18e jour de combat dans le ghetto

Frumka Plotnicka, 28 ans, dirigeante du Dror et de HeHalutz, chargée d’opérer pour la ZOB du côté « aryen » en 1942, organise les premières livraisons d’arme, dépêchée au ghetto de Bedzin pour y organiser la résistance, tuée au combat à Bedzin le 3 août 1943

Les Allemands continuent à être régulièrement accrochés alors qu’ils poursuivent la destruction systématique du ghetto. Au cours de la journée, à de multiples reprises, des combattants passés du côté « aryen » tentent de regagner le ghetto afin de procéder à des évacuations et attaquent le cordon allemand positionné autour du ghetto. Dans le même temps la « police bleue » étend sa traque des Juifs se trouvant dans Varsovie, hors du ghetto.
Stroop, après avoir annoncé deux jours avant que les dirigeants de l’insurrection ont été capturés, apporte un démenti et affirme continuer à les traquer.

Chancia Plotnicka, 25 ans, militante du Frayhayt et HeHalutz, agent de liaison de la ZOB, Tuée au combat le 19 avril 1943 dans le secteur Többens-Schultz

7 mai 1943 – 19e jour de combat dans le ghetto

David Hochberg, 18 ans, militant du Bund, commande une unité du Bund en charge de la défense du ghetto central, tué au combat le 27 avril 1943

Les Allemands continuent à détruire systématiquement les immeubles et doivent faire face à plusieurs reprises à une opposition armée de plusieurs bunkers qu’ils assiègent. Ils localisent le bunker de commandement de la ZOB, 18 rue Mila.
Plusieurs équipes de combattants évacuent le périmètre du ghetto, tandis que depuis le côté « aryen » un groupe de combattant tente de retourner dans le ghetto pour extraire ceux qui s’y trouvent encore.
A Berlin, la lenteur avec laquelle la révolte du ghetto est matée agite les hiérarques nazis, Goebbels estimant que Hans Frank devrait être limogé de son poste de gouverneur général des territoires polonais.

Aron « Pawel » Bryskin, 29 ans, ouvrier métallurgiste, militant communiste, commande l’unité communiste qui participe à la défense du ghetto central, dépêché le 7 mai par Mordechaï Anielewicz pour obtenir de l’aide du côté « aryen », tué au combat le 27 mai 1943

8 mai 1943 – 20e jour de combat dans le ghetto

Rachelka « Sarenka » Zylberberg, 23 ans, militante de l’Hashomer Hatzaïr de Vilnius, rejoint le ghetto de Varsovie en janvier 1942 pour alerter sur l’assassinat de masse en cours à Vilnius, tuée au combat le 8 mai 1943 à Mila 18

Les Allemands contrôlent la totalité du territoire du ghetto et assiègent le bunker du 18 de la rue Mila où se trouvent au total environ 120 combattants, dont le commandement de la ZOB, et deux cents civils. La plupart des combattants sont tués au combat, hormis quelques dizaines qui réussissent à se replier vers le bunker du 22 de la rue Franciszkanska tenu par les derniers combattants du secteur des brossiers. Stroop fait état du fait « qu’à chaque fois qu’un bunker est découvert les juifs résistent avec les armes dont ils disposent »

Lutek Rotblat, 24 ans, dirigeant d’Akiba, commande une unité chargée de la défense du ghetto central, tué au combat le 8 mai 1943 à Mila 18

9 mai 1943 – 21e jour de combat dans le ghetto

Zivia Lubetkin, 29 ans, dirigeante de HeHalutz et du Dror, participe à la création de la ZOB, une des cinq membres de l’état-major à la tête de la révolte, rescapée de Mila 18, participe au soulèvement de Varsovie en 1944. Morte en 1978

La veille Stroop a annoncé son intention de poursuivre la liquidation du ghetto jusqu’à « ce que le dernier juif soit éradiqué » et poursuit l’opération avec plus d’un millier d’hommes déployés.

Simcha « Kazik » Rotem et Ryszek Musselman, aidés par des égoutiers polonais, réussissent à pénétrer dans le ghetto pour extraire les combattants encore en vie. Ils ramènent une quarantaine d’entre eux du côté aryen le lendemain

Ela Neiburg, 29 ans, militante du Betar, médecin, participe à la défense de la place Muranowski, tuée au combat en avril 1943

10 mai 1943 – 22e jour de combat dans le ghetto

Eliezer Geller, 24 ans, dirigeant de Gordonia, commande les unités en charge de la défense du secteur Tobbens-Schultz, capturé à l’été 1943, déporté et assassiné le 21 octobre 1943 à Auschwitz

Les Allemands ratissent à nouveau le territoire du ghetto, qu’ils contrôlent désormais, à la recherche des bunkers encore intacts. Stroop, qui continue a enregistrer des pertes parmi ses hommes, est contraint d’admettre que « la résistance offerte par les juifs ne s’affaiblit pas » et connaît de nouvelles pertes.
Alors que la plupart des unités constituées n’existent plus, des rescapés s’agrègent et organisent des groupes (Gruzowcy, les combattants des décombres) qui continuent à combattre et tentent de protéger les civils encore présents.

Tosia Altman, 25 ans, dirigeante d’Hashomer Hatzaïr, opère du côté « aryen » jusqu’en avril 1943 puis rejoint le commandement de la ZOB. Participe au soulèvement, évacuée le 10 mai, blessée, capturée par les Allemands le 24 mai, morte de ses blessures

11 mai 1943 – 23e jour de combat dans le ghetto

Szmul Zygielbojm, 48 ans, militant du Bund, secrétaire général du syndicat des métallurgistes juifs et membre du comité central du Bund, membre du Conseil national du gouvernement polonais en exil à Londres, mort le 12 mai 1943 à Londres

Les opérations de destruction se poursuivent dans le ghetto et rencontrent toujours une résistance armée. A Londres Szmul Zygielbojm, dirigeant en exil du Bund, adresse une lettre-testament au président polonais Raczkiewicz et à son premier ministre, le général Sikorski :

« Des quelques 3 500 000 Juifs de Pologne et environ 700 000 Juifs qui ont été déportés en Pologne depuis d’autres pays, il n’y en avait plus, selon les chiffres du Bund transmis au représentant du gouvernement, que 300 000 en vie en avril de cette année. Et le meurtre continue sans fin. Je ne peux continuer à vivre et rester muet alors que les derniers Juifs de Pologne, dont je suis le représentant, sont assassinés. Mes camarades du ghetto de Varsovie sont tombés les armes à la main lors de leur dernière et héroïque bataille. Il ne m’a pas été permis de mourir comme eux, avec eux, mais ma place est à leur côté, dans leur fosse commune. […] Peut être que ma mort aidera à briser l’indifférence de ceux qui ont la capacité de sauver maintenant les Juifs polonais encore vivant ». Il se suicide le lendemain

12 mai 1943 – 24e jour de combat dans le ghetto

Zecharia Artstein, 19 ans, militant du Dror, commande une unité de combat dans le ghetto central, tué au combat le 8 mai 1943

Les Allemands procèdent à la destruction du « petit ghetto », rue Prosta, situé à 1,5km du ghetto central. Plus d’une centaine de personnes sont exécutées, sans doute en partie des combattants. Les 663 personnes capturées sont elles déportées à Treblinka dans la soirée, ainsi probablement que celles prises les jours précédents,

Lorsque dans la soirée Stroop écrit son rapport quotidien, il indique ignorer « combien de juifs ont péri dans les flammes, aucune information n’ayant pu être obtenue à ce sujet car l’incendie battait toujours son plein quand la nuit est tombée »

Cette même nuit, un raid aérien soviétique frappe Varsovie éclairée par les flammes de l’incendie qui ravagent le « petit ghetto » de Prosta et guident les avions sur la capitale polonaise

Jakub Chaïm Meir Alesandrowicz, 18 ans, étudiant de yeshiva, rallie Hashomer Hatzaïr à la déclaration de la guerre, combat dans le secteur Többens-Schultz, tué au combat le 23 avril 1943

13 mai 1943 – 25e jour de combat dans le ghetto

Michal Klepfisz, 30 ans, ingénieur, militant du Bund, organisateur de la milice de protection du Morgensztern, évadé à deux reprises de convois pour Treblinka, chargé de l’approvisionnement en armes de la ZOB, artificier, tué au combat le 21 avril 1943

Tout au long de la journée plusieurs accrochages opposent les combattants aux SS et à la police allemande qui ratissent les ruines du ghetto, causant la perte d’une dizaine d’hommes côté allemand. Dans son rapport, Stroop les impute au bombardement intervenu dans la nuit précédente afin de ne pas faire mauvaise figure.
A nouveau, les personnes capturées qui ne sont pas exécutées sur place sont envoyées à Treblinka

Szoszana Mastbojm, 26 ans, militante d’HaNoar HaTzioni, combat dans le secteur des brossiers, tuée au combat en avril ou mai 1943

Jakub Praszkier, 31 ans, militant d’HaNoar HaTzioni, commande une unité chargée de la défense du secteur des brossiers, tué au combat en avril ou mai 1943

14 mai 1943 – 26e jour de combat dans le ghetto

Jochanan Morgensztern, 38 ans, éducateur, militant du PPS (parti socialiste polonais) et de Poalei Zion-ZS, évadé d’un camp de travail forcé, un des fondateurs de la ZOB, membre de son état-major, en charge des finances. Combat dans le ghetto puis passe du côté « aryen », tué au combat le 6 mai 1943

Bien que la quasi-totalité des bâtiments du ghetto a été détruite, les Allemands sont encore régulièrement accrochés de jour comme de nuit, et continuent à subir des pertes. Stroop tente de déloger combattants et civils réfugiés dans les égouts en les inondant de fumigènes afin de les forcer à sortir, sous le regard de Maximilian von Herff, adjoint d’Himmler dépêché sur place pour suivre les opérations.

Dorka Goldkorn, 21 ans, militante communiste, combat dans le ghetto puis passe du côté « aryen », capturée, déportée à Ravensbruck, Auschwitz et Bergen-Belsen, assassinée dans un pogrom en 1947 près de Lublin

15 mai 1943 – 27e jour de combat dans le ghetto

Regina « Lilit » Fuden, 21 ans, militante d’Hashomer Hatzaïr, officier de liaison dans le secteur Tobbens-Schultz pendant le soulèvement, blessée au combat, spécialiste du réseau des égouts, guide un premier groupe de combattant hors du ghetto le 29 avril puis retourne dans le ghetto pour en extraire d’autres. Tuée dans les combats des ruines en mai 1943

Les 800 hommes déployés par Stroop procèdent à la destruction du dernier carré d’immeubles encore debout dans le périmètre du ghetto mais continuent à être harcelés par des combattants. Dans la soirée, les Allemands dynamitent la synagogue du cimetière et les différents bâtiments funéraires.

Salek Hazenszprung, 22 ans, militant du Betar, met sur pied des filières de sauvetage vers la Hongrie en 1942 puis participe à la création du ZZW (Union militaire juive). Membre de l’état-major de la ZZW lors du soulèvement, tué au combat en avril 1943

16 mai 1943 – 28e jour de combat dans le ghetto

Emanuel Ringelblum, 42 ans, historien, militant de Poale Zion-gauche, dirige plusieurs œuvres de secours à partir de 1938 puis dans le ghetto, membre du bloc anti-fasciste et du Comité national juif clandestins, fondateur d’Oneyg Shabes, groupe de résistance chargé d’écrire l’histoire du ghetto, Capturé avec sa femme et son fils le 7 mars 1944, exécutés le 10 à Pawiak

Seuls 8 bâtiments se dressent encore dans le périmètre. Dans la soirée Strroop fait dynamiter la grande synagogue, qui se trouvait alors à l’extérieur du ghetto et proclame « l’ancien quartier juif de Varsovie n’existe plus ». Mais la destruction systématique n’a pas mis fin à la résistance, et alors que la fin de l’opération est officiellement annoncée, Stroop déploie le bataillon de police SS III/23, spécialisé dans le combat contre les partisans, afin de continuer les opérations.

Archives Ringelblum extraites de la cache rue Nowolipki le 18 septembre 1946

17 mai 1943 – 29e jour de combat dans le ghetto

Władysław Bartoszewskii, 21 ans, détenu de septembre 1940 à avril 1941 à Auschwitz, membre de l’organisation clandestine catholique FOP (Front de renaissance de la Pologne), membre de l’AK (Armée nationale), trésorier de Zegota, participe à l’insurrection de Varsovie en août 1944. Opposant au régime communiste, emprisonné 8 ans, Juste parmi les nations, ambassadeur de Pologne de 1990 à 1995 puis ministre des Affaires étrangères de la Pologne en 1995 et en 200-2001, président du comité international d’Auschwitz jusqu’à sa mort en 2015

Dans les ruines du ghetto les policiers SS se déploient afin tentent de débusquer les quelques dizaines de combattants encore présents, ainsi que les quelques centaines d’autres Juifs encore cachés dans les bunkers qui ont échappé au ratissage et n’ont pu s’extraire du ghetto.

Durant le mois de mai Zegota, Conseil d’aide aux Juifs, distribue 25 000 tracts et colle des placards dans Varsovie appelant la population à aider les Juifs. Une quinzaine de milliers, rejoints par quelques centaines d’autres échappés du ghetto durant le soulèvement, se trouvent alors du côté aryen

Anna Wąchalska, 48 ans, militante du PPS (parti socialiste polonais), agent de liaison de Zegota et de la ZOB, participe avec sa sœur Maria Sawicka, leurs nièce Halina et neveu Stefan au sauvetage de plusieurs des combattants du ghetto, dont Simcha Rotem, ainsi que de plusieurs enfants juifs. Participe au soulèvement de Varsovie en août 1944, capturée, envoyée en travail forcé en Allemagne. Juste parmi les Nations, ainsi que sa famille. Morte en 1966

18 mai 1943 – 30e jour de combat dans le ghetto

Marek Edelman, 24 ans, militant du Bund, membre de l’état-major de la ZOB en charge du renseignement, commandant du secteur des brossiers durant le soulèvement, puis combat lors du soulèvement de Varsovie en août 1944, mort en 2009

Dans les ruines du ghetto des combattants continuent à harceler les policiers SS qui à nouveau n’opèrent plus que de jour. Ceux qui s’étaient extraits du ghetto poursuivent le combat, une partie dans Varsovie, l’autre constituant des unités de partisans dans les forêts de la région

Michal Rozenfeld, 27 ans, diplômé en psychologie, militant communiste, enseignant au Centos (association d’aide aux orphelins juifs), membre de l’état-major de la ZOB, combat dans le ghetto central puis avec les partisans juifs dans la forêt de Wyszków. Tué au combat avec 11 autres membres de l’unité Mordechaï Anielewicz de la Gwardia Ludowa le 1er septembre 1943

19 mai 1943 – 31e jour de combat dans le ghetto

Yitzhak Blaustein (Blojsztajn), 19 ans, militant du Dror, commande une des unités chargées de la défense du secteur Többens-Schultz. Resté dans le territoire du ghetto, tué au combat dans les ruines en mai ou juin 1943

Jusqu’au mois de juin 1943 des combats continuent à émailler le territoire du ghetto, notamment dans les ruines des rues Nalewki et Wolynska où se sont regroupés les derniers combattants de la ZOB et les Gruzowcy.

Les combattants harcèlent les Allemands pendant que tentent de survivre quelques centaines de rescapés, surnommés les Robinson Crusoé, qui se cachent dans l’océan de ruine qu’est devenu le centre de Varsovie transformé en ghetto.

Quelques poignées réussissent à échapper pendant plusieurs mois à la traque quotidienne opérées par les SS dotés de chiens, dans certains cas jusqu’à la fin 1943, avant de réussir pour quelques-uns à s’extraire du côté « aryen ».

Yosef « Josek » Farber, 21 ans, militant de l’Hachomer Hatsaïr, officier de liaison de Mordechaï Anielewicz, commande une unité chargée de la défense du ghetto central. Resté dans le territoire du ghetto, tué au combat dans les ruines en mai ou juin 1943

À propos de la photo emblématique du ghetto de Varsovie :

Parmi ces juifs débusqués dans leur cache en 1943, on pense reconnaître :

  • le garçon au premier plan, est peut-être Artur Dab Siemiatek, Levi Zelinwarger (près de sa mère Chana Zelinwarger), Harry-Haim Nieschawer ou Tsvi Nussbaum ;
  • Chana Zelinwarger, avec la tête tournée, deux sacs aux bras et les mains levées ;
  • Hannah (Hanka) Lamet, la petite fille à gauche qui lève la main (assassinée à Majdanek) ;
  • Matylda Lamet Goldfinger, la mère de Hanka, deuxième en partant de la gauche ;
  • Ahron Leizer (Leo) Kartuziński (ou Kartuzinsky) de Gdańsk, en arrière plan avec un sac blanc sur l’épaule ;
  • Golda Stavarowski, la première femme à droite, au fond, qui ne lève qu’une main ;
  • Josef Blösche, le Rottenführer SS (Reich allemand) à droite, avec une arme à feu pointée sur le garçon

À la veille du soulèvement Mordechaï Anielewicz confiait à Emanuel Ringelblum que les combattants « allaient mourir comme des chiens abandonnés, et nul ne saurait jamais où ils seraient enterrés ».

Réalisation : Tal Bruttmann et Vincent Vagman