Retrouver les traces de réfugiés juifs en Suisse (1938-1945)

Repères chronologiques et cartographiques

Comment passe-t-on en Suisse ?

  • 3 exemples tirés de nos recherches
  • Les 3 filières principales

Refoulés ou réfugiés ?

Où et comment retrouver les traces d’un réfugié juif en Suisse ?

  • Des listes de noms

Obtenir un dossier nominatif complet

Repères chronologiques et cartographiques

22 juin 1940

Suite à l’armistice du 22 juin 1940, la Suisse est encerclée par les forces germano-italiennes à l’exception des frontières avec la France de Vichy (zone sud)

11 novembre 1942

Trois jours après le débarquement des forces alliées en Afrique du Nord, l’Allemagne envahit la zone sud (France de Vichy) et ferme la frontière franco-suisse.

La partie de cette ancienne zone sud limitrophe de la Suisse (la rive gauche du Rhône) est soumise à plusieurs occupations successives : occupation allemande jusqu’au début de janvier 1943, occupation italienne jusqu’au 8 septembre 1943, puis de nouveau occupation allemande jusqu’à la Libération.

Comment passe-t-on en Suisse ?

3 exemples tirés de nos recherches

• Une filière de passeurs très chers à partir de Nice (Département des Alpes-Maritimes – zone sud) jusqu’au canton de Genève

(Recherche réalisée par Vincent Vagman pour la famille S)

Jacob S (émigré juif de Pologne en Belgique avant 1940) a trouvé refuge à Nice avec sa famille. Mais les juifs sont pourchassés par les français (Pétain) dans la zone-sud.

Jacob S paie un prix exorbitant (de plusieurs milliers de francs français) pour passer en Suisse avec sa famille.

Une filière les emmène en train de Nice à la frontière. Le soir du 21 septembre 1942, ils sortent discrètement de la petite ville-frontière de Thonon-les-Bains, montent dans une petite forêt avec leurs valises en main puis atteignent une rivière (l’Hermance) et la traversent dans l’obscurité.

Le passeur a disparu lorsque des garde-suisses les attendent de l’autre côté avec leurs lampes torches.

• Une filière de prise en charge depuis Anvers avec traversée par le Département du Doubs jusqu’au canton du Jura

(Recherche réalisée par Vincent Vagman pour la famille L)

Herman L, sa famille et un petit groupe d’une dizaine de juifs quittent Anvers le 3 ou le 4 août 1942 avec quelques valises et de faux papiers d’identité. Ils prennent la direction d’Epinal (Vosges) puis du département du Doubs à proximité de la frontière suisse.

Ils ont payé leur passeur puis ont ensuite franchi le Doubs qui trace la frontière en ordre dispersé. Sitôt la frontière franchie le 6 août, tous les membres du groupe (enfants compris) ont immédiatement été arrêtés. La gendarmerie militaire suisse les emprisonnés pour les interroger. Chacun a pu rester en Suisse. Herman L est même devenu chef de camp.

Le dossier d’archive comprend les rapports de police qui détaillent l’arrestation, l’argent détenu par Herman L, des photos et son réseau de connaissances en Suisse.

• Une traversée de la frontière avec le concours de la résistance française en zone-sud jusqu’en gare de Genève

(Recherche réalisée par Vincent Vagman pour la famille S)

Marcel H (20), sa sœur Fanny Paul (13) et son frère Paul (11)) comprennent que leurs parents se sont faits rafler par la gendarmerie française ce 26 août 1942. Leur survie dans la clandestinité paraît donc inconcevable sans la complicité de personnes bienveillantes et organisées.

On en veut pour preuve ce sauf-conduit conservé dans ses documents personnels. Il provient de la préfecture des Alpes maritimes (!) et est valable jusqu’au au 7 octobre 1942. En fait, il s’agit d’un document établi par la résistance.

Le 4 novembre suivant, Marcel, Paul et Fanny débarquent sains et saufs en gare des Eaux-Vives à Genève. Marcel a raconté ultérieurement qu’ils se sont cachés dans la locomotive avec la complicité de cheminots. Effectivement, les cheminots de la ligne Annemasse- Eaux-vives sont parvenus à faire passer 88 fugitifs juifs en les habillant en bleus de chauffe dans leur locomotive.

3 sortes de filières  pour franchir la frontière

Qui aide à franchir la frontière ?

L’organisation de la fuite en Suisse correspond aux grandes rafles et aux déportations qui débutent en été 1942 (Pays-Bas, Belgique, France occupée et non occupée).

  • Les filières lucratives : des passeurs très chers
  • Les filières humanitaires : des organisations clandestines (résistance juive, ou qui assurent parfois déjà une prise en Belgique) ou officielles (parfois religieuses – protestants) qui pratiquent souvent la falsification de documents d’identité pour renforcer la chance d’être admis en Suisse comme réfugiés.
  • La filière suisse des non refoulables : inscription sur une liste de « non-refoulables » de disposant de garants en Suisse

Refoulés ou réfugiés

Les refoulements à la frontière

La Suisse :

  • interdit l’entrée à des victimes persécutées par le régime national-socialiste
  • refuse de prendre en considération des demandes d’asile.

Après la défaite de la France, les requérants d’asile qui ne pouvaient transiter vers la France non occupée avaient peu de chances d’être accueillis.

À partir de l’été 1942 et des rafles massives dans tous les territoires français et belges, la Suisse devient une dernière chance de salut pour ceux qui parviendraient à s’y rendre.

  • En dépit de la fermeture officielle des frontières, sur le terrain, des réfugiés ne sont pas toujours refoulés. Des instructions plus favorables ont parfois été données par d’autres autorités officielles helvétiques (cantonales, …)

Dans d’autres cas, les autorités helvétiques remettent aux allemands les juifs qu’elles ont attrapés à la frontière. Parfois, elles connaissent pourtant le sort qui attend les juifs refoulés.

L’accueil des réfugiés 

  • bénéficie principalement aux fuyards qui sont suffisamment fortunés, qui ont de la famille en Suisse, ou qui sont pris en charge par des filières organisées
  • relève d’une organisation militaire

est basé sur le principe : Interdiction d’exercer une activité lucrative et obligation de travailler

  • Les hommes

Les hommes aptes au travail sont regroupés dans divers camps et soumis à des travaux manuels en plein air.

Les hommes totalement ou partiellement inaptes au travail (santé, âge) sont placés dans des homes d’internement (souvent des hôtels réquisitionnés).

  • Les femmes

Les femmes aptes au travail sont placées dans des homes pour femmes et soumises à des travaux de lessive, repassage, réparation et raccommodage d’effets appartenant aux hommes des camps de travail du secteur.

Celles qui sont mères sont en principe placées dans des homes pour femmes et enfants. Elles peuvent alors voir leurs enfants plusieurs fois par jour. Les enfants sont soignés par des infirmières secondées par un personnel féminin lui-même interné.

  • Les enfants

La majorité des enfants se trouvent séparés de leurs parents et sont hébergés dans des homes qui leur sont spécialement affectés ou, pour quelques exceptions, dans des familles d’accueil.

Où retrouver les traces d’un réfugié juif en Suisse ?

Listes de noms en ligne

Des dossiers avec des listes de réfugiés juifs en Suisse sont disponibles en ligne :

– Sur jewishgen : arrivées juives en Suisse (1938-1942)

– Sur le site de l’Holocaust Memorial Museum de Washington (regarder la liste des Holocaust Survivors and Victims pour la Suisse, puis par nom)

Le cas du canton de Genève 

Les archives de ce canton sont les mieux conservées pour ce qui concerne les réfugiés.

Des listes contiennent les nom(s), prénom(s), date de naissance et nationalité(s) de plus de 25’000 personnes contrôlées à la frontière franco-genevoise durant la Deuxième Guerre mondiale. 

Les listes se présentent par tranches alphabétiques. Elles reflètent l’état de la base de données au 30 juillet 2009 et recensent actuellement 25 604 personnes. Elles sont mises à jour périodiquement

Retrouver un dossier nominatif complet

Les archives fédérales helvétiques conservent des dossiers personnels constitués entre 1936 et 1946 (série N composée de 45 000 dossiers de réfugiés de la Division de la police fédérale).

Leur consultation permet de reconstituer les circonstances d’arrivée (passage clandestin …, de séjour (camps successifs … et de départ après la libération (destination …)

Comment obtenir un dossier de réfugié aux Archives fédérales suisses ?

Ces dossiers sont disponibles sur commande en version scannée (gratuit pour les descendants)

  • Évitez d’utiliser leur site internet (peu « friendly »)
  • Envoyez un e-mail (ou téléphonez) en précisant les noms, prénoms, dates de naissance
  • Demandez à commander et recevoir un dossier complet scanné

→ contacter les Archives fédérales suisses :

Pour aller plus loin

Il est possible de télécharger et un inventaire avec description des archives fédérales suisses (PDF) : Dossiers de réfugiés 1930-1950